Dans La Poursuite impitoyable (The
Chase) d’Arthur Penn (1966) « la
séquence finale, où l’on voit Robert Redford escorté par le shérif du comté
(Marlon Brando) avant d’être tué à bout portant par un autochtone assoiffé de
vengeance, cite exactement l’assassinat de Lee Harvey Oswald par Jack Ruby dans
les couloirs du commissariat de Dallas» (1). Le film est une plongée
infernale dans la lâcheté, la débauche, le racisme, la violence de la
population d’une petite ville quelque part au fin fond du Texas. Originaire de
cette ville, Bubber Reeves (Robert Redford), incarcéré quelques années plus tôt,
s’évade du pénitencier pour être, dans la foulée, accusé d’un meurtre qu’il n’a
pas commis, ce qui excite et enflamme toute la population prête à rendre une
justice expéditive. Seul le shérif Calder (Marlon Brando, gigantesque !) se
dresse contre ce mur de haine pour tenter de soustraire Bubber à l’hystérie
collective. Ce dernier s’étant rendu, Calder l’escorte à ce moment vers la
prison. Mais c’est sans compter le désir de meurtre d’Archie (Steve Inhat) qui
décharge son révolver sur l’infortuné Bubber. Tout ce final est apocalyptique parce
qu’il est le point d’orgue d’une extrême violence qui surgit de manière
explosive même si Arthur Penn nous a longuement préparé à l’inéluctable.
L’assassinat de JFK était passé par là (le président américain meurt en 1963 sous les balles de Lee Harvey
Oswald à Dallas). Les Américains ont l’habitude de considérer que ce meurtre et
son corollaire, la mort de Lee Harvey Oswald, tué à bout portant par Jack Ruby,
correspondent à un point de non-retour, une fin de l’âge de l’innocence qui annonce
les désillusions à venir : la guerre du Vietnam, les assassinats de Martin
Luther King et de Robert Kennedy en 1968, soit deux ans après le film, la mort
du Peace and Love et le scandale du
Watergate. Bubber Reeves est une victime sacrificielle, dépassée par les enjeux
que représente son évasion, révélatrice des haines aveugles qui sommeillent en
chacun des habitants et qui ne demandent qu’une étincelle pour éclater. Il
n’est, pour Arthur Penn, qu’un révélateur social et politique d’une Amérique
qui rejette dans les années 60, la modernité et les transformations qui
secouent la société étatsunienne. La mort de Bubber laisse les badauds
indifférents. Un attroupement se forme autour de son corps ensanglanté mais
l’indifférence des uns et le voyeurisme des autres l’emportent sur la
compassion : l’homme à droite tient les bretelles de son pantalon, à sa
gauche un autre se tient les mains dans les poches, imité par un troisième, face à la caméra.
Bubber meurt en vain puisque la catharsis n’aura pas lieu. Le shérif Calder et
sa femme Ruby (Angie Dickinson) choisiront de quitter ce coin répulsif du
Texas.
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