Dans
Alien de Ridley Scott (1979), un
vaisseau extra-terrestre mystérieux gît, inerte, sur une planète inconnue. À la
suite d’un signal non identifié, un remorqueur interstellaire, le Nostromo et
son équipage ont été déroutés pour atterrir (?) sur cette planète afin de vérifier
l’origine de cet avertissement. Au détour d’une marche à travers un relief chaotique,
trois astronautes se trouvent subitement face à cet engin dantesque, organique,
muni de grandes pinces et qui semble couché sur le flanc, comme une bête
assoupie depuis des temps immémoriaux. La vision est fantomatique. Ce vaisseau
aux formes inquiétantes est recouvert d’une brume bleutée qui masque en partie
ses exactes proportions. Sur le plan visuel, l’image est particulièrement
puissante, d’autant plus qu’elle est à l’écran, fugitive; seuls quelques plans
brefs, vus à travers les caméras des astronautes, nous permettent d’appréhender
cet astronef figé mais prêt à bondir sur sa proie. C’est le graphiste,
sculpteur et plasticien suisse H.R.
Giger qui a conçu et réalisé ce décor torturé fascinant. Le vaisseau repose sur
un sol rocailleux, tourmenté et déchiré. La nuit englobe cet espace qui nous
est présenté comme particulièrement hostile, répulsif. La tension s’installe à
partir de cette vision, de cette esthétique sombre et morbide. Quel est ce
vaisseau ? Depuis quand est-il là ? Qui a lancé le fameux signal ? Personne ne
le sait à ce stade de l’histoire. Cette conception du mystère renvoie
directement à l’univers de H.P. Lovecraft, un écrivain fantastique américain
dont les nouvelles (Démons et merveilles,
l’Affaire Charles Dexter Ward, Je suis d’ailleurs …) énoncent une menace venue des confins de
l’espace ou des abîmes océaniques qui submergera tôt ou tard la civilisation.
Le vaisseau inconnu d’Alien peut
ainsi s’apparenter à un épigone de Cthulhu, cette créature tentaculaire, « ce chaos de cris inarticulés, cette hideuse
contradiction de toutes les lois de la matière et de l’ordre cosmique » (1),
tapie quelque part au fond d’une cité cyclopéenne engloutie, R’lyeh. L’esprit
lovecraftien traverse tout le film, mais particulièrement ce plan dans lequel
les hommes apparaissent soudainement infiniment petits et dépassés par des
forces qui vont les submerger pour mieux les anéantir. Une fois dans l’antre de
la bête, les astronautes vont rencontrer une réalité aussi étrange que
terrifiante qui scellera leur destin.
Les entrailles de la bête assoupie
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