Virgil Tibbs (Sydney Poitier, à
droite), Eric Endicott (Larry Gates, à gauche)
et Bill Gillespie (Rod Steiger, au centre) sont les protagonistes de
cette séquence extraite du film de Norman Jewison, Dans la chaleur de la nuit (In
the Heat of the Night, 1967). Dans Sparta, une petite ville poisseuse du
Mississippi, un policier noir, (Virgil Tibbs, donc) est chargé, aux côtés d’un
collègue blanc, (Bill Gillespie, susnommé) d’enquêter sur un meurtre. Inspecteur
légiste, particulièrement efficace dans son travail d’enquête, Virgil Tibbs
doit faire face à une population qui n’a rien perdu de ses réflexes
esclavagistes. Leur investigation les mène chez un riche propriétaire terrien
qu’ils rencontrent dans une serre où celui-ci entretient des plantes exotiques.
La conversation, d’abord badine, policée et avenante à propos des orchidées bascule subitement
dans un racisme ordinaire, banal, ancré manifestement depuis des générations
dans la famille Endicott. « Les orchidées
sont comme les nègres, elles nécessitent de l’attention, elles doivent êtres
nourries, …… cela prend du temps, les
gens ont du mal à comprendre cela », affirme Eric Endicott d’un ton suave.
Quand celui-ci comprend que Virgil Tibbs est là pour l’interroger, il a du mal
à réprimer une morgue et une haine
raciale qui se traduit par une gifle à l’encontre de Virgil aussitôt renvoyée à
son expéditeur par le policier, sous les yeux de Gillespie qui ne bronche pas.
La tension est extrême entre les deux hommes, l’un exhalant son racisme,
l’autre étant sur le qui-vive, déterminé à affronter ce potentat local qui
vient d’être déstabilisé dans sa haine normalisée. Dans ce cadre floral bien
ordonné, un monde s’effondre pour Endicott face à ce qu’il considère comme un
crime de lèse-majesté; une gifle qui matérialise, quelques instants, un monde
qui avance sans lui. Des secondes au cours desquelles deux hommes, à l’intérieur d’un espace
quasi-clos, se toisent, se mesurent, s’affrontent du geste et du regard. Cette
séquence s’inscrit dans le cadre de la lutte de la communauté noire pour les
droits civiques des années 50 et 60. Sydney Poitier, militant actif dans la vie
civile, est le premier acteur noir à s’être imposé sur un écran, et son personnage de Virgil incarne ce refus de
courber l’échine, refus qui traverse à ce moment et de manière différente,
toute la communauté noire américaine. Depuis l’arrestation de Rosa Parks en
1955 et le boycott des bus de la ville de Montgomery en Alabama, Martin Luther
King marque de son empreinte cette lutte, dont le discours I have a dream, prononcé à Washington en 1963, reste une pierre
angulaire du mouvement des droits civiques. En 1966, au moment où tourne Norman
Jewison, l’apparition du Black Power radicalise la question et explicite encore
davantage les enjeux que l’on trouve dans le film; la lutte contre les préjugés
et toutes les discriminations, le progrès social, l’égalité des droits et les
résistances profondes à ces changements. En ce sens, le film reste plus que
jamais d’actualité.
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