Rares sont les films dans lesquels
meurt John Wayne, dit le Duke. Iwo-Jima
d’Allan Dwan (1949), Alamo du même
John Wayne (1960) et Le Dernier des
géants de Donald Siegel (1976) osent l’impensable. Mais si, dans les trois
cas précités, le Duke meurt les armes à la main, nimbé d’une gloire post-mortem,
dans Les Cowboys (1972), Mark Rydell
va encore plus loin puisque Will Andersen (John Wayne, toujours lui) est abattu
de sang-froid, dans le dos, par une sinistre et flamboyante crapule, Asa «Long
hair» Watts (Bruce Dern, grandiose).
Will Andersen, interprété par un
John Wayne vieilli, veut convoyer une dernière fois un troupeau de plusieurs
centaines de bêtes à travers les Grandes Plaines de l’Ouest américain. Dans
l’impossibilité de trouver des cowboys
pour le seconder dans sa tâche (ils sont tous préoccupés par une ruée vers l’or
voisine), il se résout à embaucher de jeunes garçons pour affronter les périls qui
se trouvent sur leur route. Un de ces périls est incarnée par l’apparition
d’une bande d’outlaws, menée par Asa « Long hair» Watts, qui s’intéresse de
près au troupeau ………. Cette bande finit par surgir hors de la nuit pour
encercler Will, les enfants et le troupeau.
La séquence est terrifiante de
violence et marque d’un fer rouge le western crépusculaire qui avait déjà
annoncé depuis les années 60 que les héros étaient mortels. Les deux hommes
s’affrontent d’abord à coups de poings. Le combat est âpre, sans pitié. La
séquence est filmée de manière extrêmement réaliste avec une caméra qui cadre
au plus près les deux protagonistes. Seuls les souffles courts et rauques de
chacun et l’éclat des coups portés transpercent le silence environnant. Le sang
coule de part et d’autre mais en dépit des coups reçus, Will parvient à
terrasser son adversaire. À terre, le visage ensanglanté, «Long hair» se relève
péniblement, dégaine un colt du holster d’un de ses compagnons et met en joue
Will qui lui tourne le dos. Commence alors pour ce dernier une lente agonie,
tragique et sans concession. Cinq coups de feu plus tard, Will Andersen gît sur
le sol, les bras en croix.
Tournée entre Big Jake (George Sherman, 1971) et Les Voleurs de trains (Burt Kennedy, 1973), dans lesquels John Wayne
incarne le défenseur de la veuve et de l’orphelin, image constitutive de celle
du représentant de la loi et de l’ordre
qu’il a acquise tout au long de sa carrière et qui a fait de lui un véritable
mythe, cette séquence mortuaire fait du Duke un personnage d’une grande vulnérabilité
que seul Donald Siegel dans Le Dernier
des géants après Mark Rydell, saura traduire sur un écran. Will Andersen
meurt courageusement, de manière héroïque, comme il a vécu, avec le mépris pour
«Long hair» à la bouche. Mais cette mort ne sera pas vaine, puisqu’elle
permettra aux enfants, spectateurs impuissants et tétanisés devant cette mise à
mort, de recueillir l’héritage «paternel» et de lui rendre justice. Les Cowboys est avant tout un film sur
la filiation et sur la transmission. En ce sens, Will Andersen, qui a perdu ses
deux enfants trop tôt, reportera son amour paternel brisé sur ces jeunes
garçons qui, au contact de l’adversité, sauront prendre leur destin en main.
Bruce Dern
John Wayne et ses cowboys
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