Timothy Carey est ce que l’on appelle une gueule typique des
seconds couteaux qui hantent tout le cinéma américain. Le bad guy dans toute sa splendeur ! Il a marqué de sa présence les
films d’Élia Kazan (À l’est d’Eden/East
of Eden, 1955), de Delmer Daves (La
Dernière Caravane/The Last Wagon, 1956), de Stanley Kubrick (Les Sentiers de la gloire/Paths of Glory, 1957),
de Marlon Brando (La Vengeance aux deux
visages/One-eyes Jacks, 1961) ou encore de Gordon Douglas (Rio Conchos, 1964). Dans ces films, cet
acteur a généralement une durée de présence à l'écran inversement proportionnelle à
l’aura qu’il dégage, et meurt généralement de mort violente. Dans L’Ultime razzia (The Killing, 1956) de Stanley Kubrick, il incarne ici Nikki Arane,
un tueur récruté par Johnny Clay (Sterling Hayden) pour tirer sur un cheval au
milieu d’une course afin de créer une diversion permettant à ses comparses de
pratiquer un hold-up au sein d’un hippodrome.
Avec son visage anguleux, le front haut, les yeux
éternellement mi-clos, un sourire à la Batman dégageant une mâchoire
étincelante dont les rangées de dents ne se desserrent jamais, Nikki Arane gare
sa voiture face à l’hippodrome, sort de son étui un fusil qu’il pointe sur un
cheval et tire. Son forfait, accompli en professionnel aguerri, ne restera pas impuni
puisqu’il est surpris par un policier qui met fin à son existence de malfrat. Timothy
Carey n’a jamais occupé le devant de la scène, ni joué les premiers rôles. Les
réalisateurs lui demandent rarement de penser mais de cogner ou de se faire
cogner. Avec sa
trogne exhalant sans cesse une délicieuse perfidie, un mélange de violence et
de QI limité, il est resté cantonné aux rôles de tueur, de barman, de videur de
boîte de nuit, de pilier de saloon fort en bouteille, ou encore de soldat
fusillé injustement. Il sait donner des baffes aux femmes et, perfidie suprême, tirer dans le dos de
celui qui a le malheur de tourner les talons (La Vengeance aux deux visages). Pourtant, son visage et sa
silhouette, même entr’aperçus, ne nous lâchent plus. Mieux, ils imprègnent
notre mémoire de manière indélébile. Pire, on se prend malgré tout à l’aimer, à
attendre avec impatience que le gaillard pointe le bout de son nez. Timothy
Carey a su conjuguer talent et originalité en jouant avec son corps et ses
expressions faciales, même quand celles-ci n’exprimaient que le vide (Les Sentiers de la gloire). De plus, il
est un des rares acteurs à savoir utiliser sa chevelure comme un accessoire
dramatique; en fonction de ses états d’ébriété plus ou moins avancés, il arrive
à faire valser sa mèche frontale sur le sommet de son crâne, geste d’un
aérodynamisme rare que même James Dean ou Marlon Brando ont dû lui envier.
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