L’Homme des Hautes Plaines (High Plains Drifter, 1973) est le premier
western tourné par Clint Eastwood en tant que réalisateur. Il s’agit d’emblée
d’une totale réussite, même si l’influence de Sergio Leone se fait encore
sentir. Un homme mystérieux débarque un beau jour dans la ville de Lago. Il est
chargé par la population de la protéger contre trois malfrats, tout juste
sortis de prison, et qui ont juré de mettre la ville à feu et à sang. Ce qu’ils
feront.
L’Étranger (Clint Eastwood, en
digne héritier de L’Homme sans nom des films de Sergio Leone) est un personnage
tout droit sorti de l’enfer, un ange exterminateur venu pour faire expier la
lâcheté, la couardise et la veulerie de la population, qui a laissé, quelques
années plus tôt, les 3 bandits susnommés assassiner au milieu de la rue, le
shérif Duncan. Celui-ci avait découvert que la mine exploitée sur le territoire
de Lago était une propriété de l’État. Les notables avaient alors engagé les
trois tueurs pour se débarrasser du shérif. Cette faute reste une marque noire
indélébile partagée par tous les habitants et collée sur leurs fronts comme le
sparadrap au doigt du capitaine Haddock. En attendant l’arrivée des trois
truands, cet Étranger, donc, a obligé les habitants à repeindre leur ville en
rouge sang et à la rebaptiser du nom de « Hell ». Dans une atmosphère
d’apocalypse, la confrontation finale entre ces quatre personnages est le climax
du film. Les trois desperados allument un incendie qui ravage progressivement
la ville entière. Les flammes rougeoyantes
crépitent en une valse morbide enveloppant d’une lumière fantasmagorique
ce pandémonium terrestre. Clint Eastwood transfigure les clichés propres au
genre; ici, pas de duel au grand jour, mais un affrontement nocturne, sans
merci, extrêmement âpre et violent. L’Étranger attire un à un les trois bandits
dans la rue principale cernée par les maisons en flammes. Leurs silhouettes se
découpent tour à tour dans la chaleur du brasier. Le premier Cole Carlin (Anthony
James, toujours parfait dans son allure de vautour), meurt dans le sable,
fouetté jusqu’au sang, le second, Dan Carlin (Dan Vadis) est pendu par ce même
fouet et le troisième, Stacey Bridges (Geoffrey Lewis) est abattu par plusieurs
balles dans le corps. À chaque fois, telle une ombre fantomatique, refusant de
répondre aux questions touchant son identité, l’Étranger surgit de nulle part, là
où personne ne l’attend, et se jette sur ses proies. La dimension fantastique
de la séquence souligne l’originalité du propos, rare dans le western. Ce cavalier de l’Apocalypse, prélevant son dû,
convoque les flammes de l’Enfer pour expurger l’infamie ourdie dans cette rue
par cette population corrompue et décadente. La catharsis ne peut se faire que
par la destruction et la mort de ces âmes damnées. Clint Eastwood reprendra,
quelques années plus tard, ce personnage énigmatique dans Pale Rider en 1985.
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