Les Bravados (The Bravados, 1958) est un film de Henry King qui a l’âpreté des
westerns d’Anthony Mann. Gregory Peck incarne Jim Douglas, un homme lancé à la
poursuite d’une bande de malfrats qu’il juge responsable du viol et du meurtre
de son épouse. La traque le mène sur les traces du premier outlaw, Alfonso
Parral (Lee Van Cleef) resté en arrière pour couvrir la fuite de ses comparses.
Caché dans des herbes hautes, Alfonso scrute ses poursuivants bien décidé à
abattre Jim Douglas quand celui-ci, après l’avoir contourné le surprend par
derrière. Dans le champ-contrechamp tendu à l’extrême, Jim domine son adversaire
de toute sa stature. Encadré par des hautes herbes desséchées, et se découpant
dans le ciel d’un bleu immaculé, Jim incarne à ce moment le bras armé d’une
vengeance primitive et expéditive. Dans une rage à peine contenue, il sort, de
sa main gauche, une montre de gousset et l’ouvre pour offrir à la vue d’un
Parral terrorisé et tremblant, une photographie de son épouse. Le visage du
chasseur est glacial et toute son attitude, raidie par le désir de mort, traduit
l’impitoyable but qu’il s’est assigné : être le juge, le jury et
l’exécuteur des basses œuvres de sa
propre vision du monde, et accessoirement d’une société et d’un ordre
incapables de rendre, de manière légale, la justice. La montre est donc l’objet
qui matérialise la vengeance aveugle qui anime sa quête. Cet homme, s’arrogeant
tous les pouvoirs est une figure récurrente et un code du western. De Winchester 73 (Anthony Mann/1950) à The Salvation (Kristian Levring, 2014) en
passant par Rancho Notorious (L’Ange des maudits, Fritz Lang, 1952)
ou One-Eyed Jacks (La Vengeance aux deux visages, Marlon
Brando, 1961), le genre est traversé par la figure omnipotente du justicier qui
n’a de compte à rendre qu’à lui-même. Dans cet Ouest encore sauvage, les
comptes se règlent encore individuellement.
Face à Jim Douglas et
filmé en plongée, Alfonso Parral est un fugitif à genoux, implorant la clémence
de son bourreau. Toute son attitude, à
l’opposé de celle de Jim, préfigure sa mort. Les traits révulsés et tremblants
de son visage, sa véhémence à affirmer ne pas connaître la jeune femme sur la
photographie, son ton suppliant, rien n’y fait. Alfonso Parral meurt hors-champ
au milieu de ces herbes jaunies par le soleil et sur ce sol qui s’est dérobé
sous ses pieds. Concernant Lee Van Cleef, il est assez délicieux de penser que
cette séquence est le miroir inversé et donc l’exact contrepied d’une autre
séquence tirée du film de Sergio Leone, Et
pour quelques dollars de plus (1965). Il y interprète cette fois un
chasseur, également mu par la vengeance, le colonel Mortimer, à la poursuite
d’un dangereux criminel mexicain, El Indio (Gian Maria Volonte). Le lien qui
unit les deux hommes est la montre de gousset que sort régulièrement El Indio
et de laquelle une petite musique s’échappe. Or, cet objet contient également
la photo d’une jeune fille, mais il ne s’agit pas cette fois-ci de la femme,
mais de la sœur du colonel Mortimer, violée par El Indio quelques années
auparavant. Conservée par le bandit après le suicide de la jeune fille, cette
montre servira, comme dans Les Bravados,
de fil conducteur à l’intrigue et à l’accomplissement de la vengeance.
La montre de gousset du colonel Mortimer ......
.... tenue par El Indio (Gian Maria Volonte)
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