Autant le dire tout de suite, le film The Alamo réalisé par John Wayne en 1960 est d’abord un film de
pure propagande, à destination du Texas,
des États-Unis et du monde. Il relate le sacrifice héroïque des 180 hommes qui
ont défendu pendant treize jours Alamo, une vieille mission fortifiée en 1836 au
Texas, alors mexicain, face à l’armée du generalissimo
Santa Anna bien supérieure en nombre.
L’enjeu pour les immigrants américains – dont Davy Crocket (John Wayne),
William B. Travis (Lawrence Harvey) et Jim Bowie (Richard Widmark) - était de créer une République indépendante du
Mexique et de permettre à Sam Houston (Richard Boone) de gagner un temps
précieux pour mettre sur pied une armée texane. John Wayne a porté ce projet
pendant quinze ans avant de pouvoir le tourner sur un site reconstitué près de
Brackettville au Texas. Mais, ramener The
Alamo uniquement à cela, serait
oublier la fantastique geste cinématographique que nous livre l’acteur fétiche
de John Ford. L’assaut final mexicain dure 13 minutes et reste un morceau de
bravoure inégalé (le dernier Alamo, filmé
par John Lee Hancock en 2004, est bien plus plus proche de la réalité historique
mais reste dénué du souffle épique de la version de John Wayne). Davy Crocket
(le troisième à partir de la gauche), revêtu
de sa toque de trappeur, est à la tête d’un groupe de volontaires du
Tennessee défendant la palissade sud de la mission. Protégés par un mur, aussi
improvisé que fragile, constitué de bois et de pierres, ces défenseurs - déjà
statufiés dans le mythe - s’apprêtent à stopper les charges furieuses de la
cavalerie mexicaine. Leurs yeux, rivés sur la mire de leurs fusils, soulignent
leur détermination et leur courage, alors que derrière eux, la bataille fait
déjà rage. Leurs armes, comme autant de baïonnettes, dressent une véritable
barrière qui doit rendre cette partie de l’Alamo infranchissable. Magnifiés par
l’écran large et la photographie de William Clothier, Davy et ses compagnons
opposent une farouche résistance tout à leur volonté de ne pas céder un pouce
de terrain. Prêts à mourir en martyrs pour une cause supérieure, ils incarnent
cette Amérique conquérante du XIXe siècle que John Wayne veut traduire sur un
écran au tournant des années 60. Mais, entre les lignes, The Alamo, sorti le 24 octobre 1960, parle davantage de John Wayne
et des États-Unis que du Texas en 1836. Pour un partisan du parti républicain
comme lui, l'époque est rude: la guerre de Corée s’est terminée en 1953 par
un statu quo, le sénateur McCarthy est mort en 1957 et John F. Kennedy est sur
le point d’accéder à la Maison blanche (John Wayne a soutenu son adversaire, le
républicain Richard Nixon). Cela explique la volonté du réalisateur d’imposer
sa vision conservatrice de la grandeur de l’Amérique à une époque où l’URSS
marque des points en lançant, en 1957 avant les États-Unis, le Spoutnik dans
l’espace. 180 hommes menés par des personnages de légende ont accepté de se
sacrifier dans une enceinte encerclée par 7000 Mexicains ! Il émane de cet
épisode tragique, revisité par la force de conviction de John Wayne, un lyrisme
brutal sublimé par la musique de Dimitri Tiomkin. La vieille mission espagnole est
le réceptacle de toutes les valeurs défendues par le réalisateur: le
patriotisme, la liberté, le sacrifice et l’héroïsme. La République texane
affronte la dictature mexicaine dans un combat sans merci. Pour Wayne, cette
page de l’histoire du Texas doit servir à proclamer à la face de ses contemporains
et du monde que les États-Unis se sont construits grâce à des héros dont le
courage et la détermination ont permis de légitimer la conquête d’un espace au
nom de la liberté. D’aucuns pourraient penser que le ton du film est
conservateur, pompeux et moralisateur, mais qu’importe, le souffle de la
réalisation emporte tout.
Le champ-contrechamp de l'assaut final
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