Les vingt dernières minutes du Dernier des Mohicans (Last of the Mohicans de Michael Mann, 1992) sont d’un lyrisme absolu. Le Mohican Chingachgook (Russell Means), est face au Huron Magua (Wes Studi). Ce dernier vient de tuer Uncas
(Eric Schweig), le fils de Chingachgook. Après une lutte aussi brève que
violente, Chingachgook s’apprête à porter le coup de grâce. La tension est à
son comble, les deux hommes se regardent, figés, un court instant. Magua est
déjà en équilibre instable à la suite des coups reçus et son sort est scellé. Il se retrouve sans arme, face au
redoutable casse-tête en forme de crosse de fusil que tient à deux mains le
Mohican. La séquence a été tournée en Caroline du Nord, dans les Appalaches et
au cœur du Chimney Rock Park. Les deux adversaires sont, entre ciel et
montagne, sur un chemin escarpé qui longe une falaise aux parois vertigineuses
d’un côté et un précipice de l’autre. La géographie de cet espace enferme les
deux guerriers dans une lutte à mort, et la beauté du lieu associée à la violence
de la confrontation crée une dichotomie encore renforcée par le lyrisme de la
musique composée par Trevor Jones et Randy Edelman. L’absence de paroles donne
à l’image une amplitude que magnifie l’écran large. Jusque-là tout en mouvement,
cette séquence marque ici une respiration silencieuse, vierge, pendant quelques secondes, de tout geste et
de tout cri. Né en 1939 et décédé en 2012, Russell Means était un activiste
Sioux Lakota qui a été de toutes les luttes menées depuis les années 60, par l’American
Indian Movement pour une meilleure reconnaissance des droits des Amérindiens
aux États-Unis. Wes Studi, quant à lui, est né en 1947 dans la tribu des
Cherokee. Moins politisé que Means, il marque de sa démarche féline et de son visage taillé à la serpe de nombreux
films; Danse avec les loups de Kevin
Costner (1990), Geronimo; une légende
américaine de Walter Hill (1993), Heat
de Michael Mann (1994), Le Nouveau Monde de
Terence Mallick (2005), Avatar de
James Cameron (2008). Plus question, désormais, d’employer des acteurs blancs
pour incarner des Indiens à l’écran. Little
Big Man d’Arthur Penn (1970) avait déjà ouvert une brèche en donnant un
rôle de vieux chef cheyenne à Chief Dan George (membre de la tribu Tsleil-Waututh
de Colombie-Britannique au Canada) et Danse
avec les loups de Kevin Costner (1990) enfonce définitivement le clou
en traduisant, à l’aide de sous-titres,
la langue lakota parlée par d’authentiques Amérindiens. Il est regrettable que
l’immense talent de Wes Studi ne soit pas davantage exploité par les
producteurs et les metteurs en scène qui le cantonnent encore trop souvent et
exclusivement dans des rôles d’Indiens.
Wes Studi
Russel Means et Daniel Day-Lewis
Joli texte et belle découverte que votre blog :)
RépondreEffacerBonjour Félix,
EffacerJe viens seulement de voir votre commentaire. Merci pour vos encouragements.
Hubert